Maroc : Des chiens dans la ville
La saison estivale ne met pas que du soleil dans le quotidien des Casablancais. Elle apporte aussi son lot de chiens errants, dont les effectifs augmentent en cette période.
Par meutes, ils arpentent les rues de la ville, surtout une fois la nuit tombée. Si une partie d'entre eux reste inoffensive, certains, qualifiés de chiens mordeurs, sèment parfois la panique parmi la population.
Il faut également souligner que les chiens errants constituent l'un des vecteurs importants de maladies, dont la plus grave reste la rage.
Lorsque l'on sait que 600 chiens en moyennes sont capturés chaque mois par les services de la fourrière de Hay Mohammadi, relevant de la direction d'hygiène de la ville, l'on saisit l'ampleur du phénomène.
Ce chiffre culmine parfois à 800, selon les périodes.
« Dans mon quartier, réputé pour sa tranquillité, les hordes des chiens errants font désormais partie du décor. Partout, il n'est plus possible de mettre les pieds sans risquer de se retrouver nez à nez avec des meutes entières. Beaucoup de riverains appréhendent de sortir tôt le matin, ou de rentrer tard le soir, à cause des dizaines de chiens quasiment sauvages qui envahissent le quartier. C'est ainsi que l'on commence à voir des fidèles se rendant aux aurores à la mosquée munis de bâtons», s'insurge ce Casablancais.
Pour ce qui en est de la lutte contre les chiens errants, la ville de Casablanca ne dispose plus que de quatre véhicules, sur les cinq recensés auparavant, pour la capture de ces «vagabonds canins».
Deux techniques sont utilisées : soit le lasso, pour la capture lorsque le chien n'est pas dangereux, sinon l'on a recourt à la strychnine, un puissant poison, notamment lorsqu'il est question de chiens présentant un danger, comme ceux vivant dans des dépotoirs et qui pourraient couver des maladies.
«Les chiens capturés sont gardés pendant 48 heures en fourrière. Passé ce délai, si personne ne les réclame, ils sont de facto mis à mort par injection. Une opération qui est organisée deux fois par semaine. Quand il s'agit d'un chien mordeur, celui-ci est gardé en observation durant 15 jours, période correspondant au développement du virus dans le corps, le temps de s'assurer s'il est porteur de la rage ou non, afin d'éliminer toutes sortes de doute», explique le Dr Mustapha Sabir du service vétérinaire de la Communauté urbaine de Casablanca et président de l'Association nationale des vétérinaires communaux.
Toujours dans le cas des chiens mordeurs, lorsqu'ils sont capturés et mis sous observation, les victimes suivent un simple traitement contre la morsure, en attendant les résultats. Ce n'est qu'à partir du moment où le chien s'avère porteur du virus que la victime entame le traitement spécifique de la rage. En revanche, ce traitement, délivré gratuitement par l'Institut pasteur et pris en charge par la commune, est entamé dès la morsure lorsque le chien n'a pas été capturé.
Cependant, la question qui se pose est la suivante : d'où peuvent venir ces chiens qui débarquent tous les jours dans la ville, sans que l'on puisse les exterminer une bonne fois pour toutes ? En fait, les communes rurales n'effectuent pas les mêmes opérations de capture et d'euthanasie.
Du coup, ces chiens proviennent de la périphérie de la ville, de Bouskoura, Médiouna, Lahraouiyine, Sidi Moumen, etc.
« Dans la périphérie de la ville, l'on trouve des gardiens ou des gens travaillant sur des terres agricoles qui peuvent posséder 3 ou 4 chiens chacun. C'est beaucoup. Ces chiens vont se reproduire et enfanter un excès d'individus qui se déversent sur la ville. Ces communes devraient adhérer à la lutte contre les chiens errants. De même, il s'avère nécessaire de motiver le personnel qui effectue ce travail et qui est exposé aux dangers des morsures ou des maladies », souligne Dr Mustapha Sabir.
En d'autres termes, un agent dépendant du service de la fourrière devrait bénéficier de primes supplémentaires pour les risques qu'il court durant l'exercice de son métier. De même, les responsables locaux ne daignent pas prendre le problème à bras le corps. Il s'avère crucial d'investir dans les moyens matériels et humains nécessaires afin d'éradiquer le problème. « Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aucune mesure n'est prise pour y remédier. Le laisser-aller et le laxisme outrancier continuent d'avoir droit de cité. Pourtant, la menace est là et elle doit être prise au sérieux», conclut notre Casablancais.
Le refuge de Hanane
La lutte contre les chiens errants n'est pas que l'affaire des autorités locales. La société civile y met également du sien. L'Association Hanane pour la protection des animaux et de l'environnement (AHPAE) œuvre depuis 2005 en ce sens. La différence avec la manière de faire de la direction d'hygiène est qu'à la AHPAE les chiens ne sont pas abattus, mais plutôt soignés, nourris et chouchoutés. Actuellement, son refuge sis à Dar Bouâzza abrite 68 locataires. « Nous ne disposons d'aucune subvention et seul le parrainage de la part d'associations étrangères nous permet de travailler.
Aussi, nous sommes partenaires avec la Fondation Brigitte Bardot qui contribue à nos charges pour le loyer, la nourriture, le gardiennage, etc.
Le problème auquel nous faisons face est celui de l'adoption, car les gens préfèrent avoir un chien de race plutôt qu'un bâtard », explique Hanane Abdel Mouttalib, fondatrice de l'AHPAE. Outre les chiens errants ou maltraités, aveugles ou handicapés, l'association s'occupe également des chats.
Il lui arrive également d'intervenir sur des cas de maltraitance sur des équidés, mais après intervention, ceux-ci sont dirigés vers des structures plus adéquates.
Source : http://www.lematin.ma/journal/Phenomene_Des-chiens-dans-la-ville/153302.html
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