La Fondation 30 Millions d’Amis dénonce le recul de Strasbourg dans la prise en compte de la souffrance animale, et déplore un profond manque de courage des députés européens concernant l’expérimentation animale. Un nouveau texte voté au Parlement devait pourtant améliorer l’ancienne directive relative aux expériences sur les animaux.
En 1986, l’Europe a adopté la directive 86/609/CEE pour encadrer l’expérimentation animale. Sous la pression des défenseurs des animaux, les institutions européennes débattent depuis dix-huit mois pour actualiser ce texte et le mettre en conformité avec une meilleure prise en compte du bien-être animal. La mise en œuvre de la politique des 3R (Remplacement des animaux quand cela est possible, Réduction de leur nombre dans chaque procédure et Raffinement, c'est-à-dire limitation des souffrances qui leurs sont causées) était l’objectif. Non seulement le nouveau texte (8/09/10) ignore cette ambition, mais il représente une véritable régression en la matière.
Un compromis pour les uns...
Pour ses partisans, ce texte est une véritable avancée et prendrait davantage en compte le bien-être animal, excluant pour la première fois les grands singes des tests expérimentaux ainsi que les expériences provoquant une souffrance sévère et prolongée. Elisabeth Jeggle, députée allemande (PPE, Parti Populaire Européen) et rapporteur du texte, se réjouit de son adoption : « C’est un texte de compromis, qui consolide les droits des animaux tout en permettant de poursuivre l’expérimentation animale en Europe », conclut l’eurodéputée. Jean-Claude Nouët, vice-doyen honoraire de la faculté de médecine Pitié-Salpêtrière et président de la Fondation droit animal, éthique et sciences, cité par Le Figaro (15/09/10), indique qu’il témoigne d’un « état d'esprit parfaitement nouveau qui rend compte de l'évolution des usages de ces 20 dernières années ».
... un écran de fumée pour les autres
Pour la Fondation 30 Millions d’Amis, il s’agit essentiellement d’un écran de fumée qui n’améliorera pas la condition des millions d’animaux qui souffrent dans les laboratoires. Parmi les mesures qu’elle remet particulièrement en cause : la possibilité de réutiliser plusieurs fois les animaux si la douleur est considérée comme faible ou modérée, et une anesthésie laissée à l’appréciation du chirurgien, donc non obligatoire. Si en France, les praticiens respectent aujourd’hui une charte éthique, de nombreux Etats européens, moins sensibles au bien-être animal, sont pointés du doigt. « Le traité de Lisbonne reconnaît explicitement aux Etats membres le droit de prendre des mesures plus strictes que celles contenues dans les directives européennes. Et ce notamment dans le domaine de la protection des êtres vivants. Nous demandions que ce principe s’applique concrètement dans le cas de l’expérimentation animale : que cette directive soit un seuil à atteindre en matière de bien-être animal, plutôt qu’un plafond », explique Isabelle Durant, vice-présidente du Parlement européen.
Coup de rabot
La Fondation 30 Millions d’Amis pointe également les « coups de rabot » dont a souffert le projet initial. Un avis partagé par Isabelle Durant : « Une mesure fondamentale, prévue initialement puis inexplicablement retirée de la directive, réside en l’obligation de recourir à ces méthodes de substitution dès que celles-ci sont validées scientifiquement et disponibles suffisamment. En retirant cette disposition, le Conseil puis le Parlement européen ont définitivement manqué l’occasion de « révolutionner » l’expérimentation animale », indique l’eurodéputée, qui a voté contre ce texte.
Christiane Laupie-Koechlin, fondatrice de Pro Anima, confirme : « La directive ne mentionne aucune recommandation relative aux méthodes alternatives, mais continue à considérer que l’expérimentation animale est nécessaire, alors que de nombreuses solutions ont prouvé leur efficacité. » Y compris dans le domaine des maladies neuro-dégénératives (Parkinson, Alzheimer), où les grands singes, à titre d’exception, subiront des tests malgré les progrès avérés de la recherche scientifique. En bref, le recours à des méthodes alternatives n’est pas une obligation mais une simple recommandation, en complément des méthodes d’expérimentation dites « traditionnelles ». Un recul jugé inacceptable par la Fondation 30 Millions d’Amis alors que les méthodes substitutives ont prouvé leur fiabilité, leur rapidité et qu’elles excluent toute souffrance animale.
Curieuse disposition
En outre, les chiens et les chats continueront d’être utilisés dans le cadre de ces expérimentations, malgré les demandes incessantes des organisations de protection animale, dont la Fondation 30 Millions d’Amis.
A cela s’ajoute une curieuse disposition. Une « clause de sauvegarde » permet de déroger à ces nouvelles règles en cas de « raisons exceptionnelles et scientifiquement justifiables » et en avertissant la Commission européenne au préalable. Ce dernier point est une véritable source d’inquiétude : « Cette disposition permet notamment de recourir aux grands singes dès qu’un État membre possède "des motifs valables". L’appréciation de la validité des motifs est ensuite laissée à un "Comité ", devant assister la Commission européenne, mais dont la composition et le fonctionnement [n’]apparaissent pas encore suffisamment clairs et définis » insiste Isabelle Durant, membre du principal parti écologique belge. Donc, si cette nouvelle directive comporte des avancées – notamment sur l’utilisation des grands singes – celles-ci peuvent être suspendues d’un revers de main au bon vouloir des Etats… et des lobbies pharmaceutiques.
12 millions d’animaux sacrifiés
La Fondation 30 Millions d’Amis s’engage depuis de nombreuses années pour que l’expérimentation animale soit définitivement remplacée par des méthodes substitutives. Elle contribue financièrement au développement du programme VALITOX®, une méthode alternative faisant appel à des innovations de pointe pour prédire avec fiabilité l’effet toxique de substances chimiques sur les hommes, sans avoir recours aux animaux.
La Fondation rappelle par ailleurs que 12 millions d’animaux sont utilisés chaque année à des fins expérimentales dans l’Union Européenne, dont près de 2,5 millions en France*. Cette nouvelle directive ne changera malheureusement ni ce nombre ni leur souffrance.
Pour information, une marche aura lieu conjointement à Paris et à Rome le 25 septembre 2010 contre l’adoption de cette nouvelle directive. Rendez-vous place St-Germain-des-Prés à 15h00 (6ème), pour une manifestation jusqu'au siège français de la Commission européenne.
Source: http://www.30millionsdamis.fr/acces-special/actualites/detail/article/2250-experimentation-animale-une-directive-qui-seme-le-doute.html