De capitale africaine des deux roues, Ouagadougou est en passe de devenir celle des chiens errants, si les autorités municipales n’y prennent garde. Car ces cabots et leurs maîtres semblent décidés à dicter leur loi à Simon Compaoré, bourgmestre de la capitale burkinabè.
Au cours des huit premiers mois de l’année 2010, les chiens errants ont mordu des milliers de personnes à Ouagadougou. Certaines sont décédées de la rage. En dépit de ce palmarès éloquent, certains chiens errants semblent manquer d’activités. Aussi ont-ils inventé la chasse aux usagers de la voie publique, comme sport de maintien. Leurs « lièvres », ce sont surtout les motocyclistes, qui empruntent les ruelles à l’intérieur des secteurs. L’on se demande quel tic les a piqués.
Pour Moré Koundoumié, une victime de cette course-poursuite, la situation est suffisamment grave et interpelle les autorités communales. « J’habite au secteur n°28, explique-t-il. Une nuit, je rentrais de la ville et dans une rue de mon quartier, un groupe de chiens s’est lancé à ma poursuite. Je ne dois mon salut qu’à l’arrivée derrière moi d’une voiture, tous phares allumés, ce qui a contraint les chiens à me lâcher pour se lancer à la poursuite de la voiture ». La divagation des animaux, en particulier celles des chiens, constituent une des nuisances les plus graves pour les Ouagalais.
Les enfants sont les plus vulnérables face à ce danger. En cas d’agression, ils sont effrayés et ne savent pas comment réagir, ce qui peut entraîner des scénarios plutôt tragiques. Souvent atteints de rage, les chiens errants la transmettent aux personnes et aux animaux qu’ils mordent ou côtoient ; car, même leur salive peut transmettre le virus de la rage. Non contents d’infliger ces souffrances à la société, les chiens errants peuvent même compromettre tout un avenir.
Massata Sawadogo explique : « Lorsque j’étais en classe de troisième, un chien m’a renversé sur le chemin de l’école. Le propriétaire a reconnu les faits et a pris en charge les frais médicaux, mais cette année-là, je n’ai pas pu passer mon BEPC ».
Chiens enragés, maîtres inconscients
Les actions de sensibilisation menées tous azimuts ont pour objectif un changement de comportement des maîtres de chiens. Mais cela visiblement ne suffira pas, car il ne s’agit pas seulement d’un manque d’information. En juin dernier, alertés par l’opération d’abattage de chiens errants entreprise par la mairie de Ouagadougou, certains propriétaires de chiens les avaient enfermés.
Et comme par enchantement, les colliers et chaînes pour chiens s’arrachaient comme de petits pains. Mais dès la fin de l’opération, ils ont renoué avec leurs mauvaises habitudes. D’autres ont vite trouvé la parade, ne laissant sortir leurs chiens que la nuit. Alors les buvettes et autres maquis deviennent le lieu de prédilection des molosses, où ils se disputent les os à coups de crocs au point de plonger quelques fois leur gueule dans l’assiette des « maquisards ».
Pour la majorité des familles burkinabè, vacciner, nourrir et prendre soin convenablement d’un chien coûte cher. « Nous-mêmes, nous n’avons pas suffisamment à manger, ce n’est pas au chien que nous allons consacrer nos maigres ressources », lancent certains. Alors on préfère le laisser se « débrouiller » seul dans la rue. Pour eux, dehors, le chien trouve tout ce qui lui faut : nourriture, compagnie, et surtout des os qu’il ramène à la maison pour croquer. Si chaque Burkinabè devait se comporter de la sorte, le Faso ne serait plus qu’un « dog land », un royaume pour chiens.
Pourtant, depuis 1961, la divagation des animaux est interdite dans les périmètres urbains. De même que, l’immunisation préventive est obligatoire pour les animaux (chiens, chats, singes, etc.). Mais certains n’en font qu’à leur tête, puisque, pensent-ils, ils ne risqueraient rien. Fort heureusement, le Conseil municipal de la commune de Ouagadougou semble décidé à reconquérir son territoire. Il s’est félicité de la réussite de l’opération ayant permis de mettre hors d’état de nuire 442 chiens errants. "A la demande de la population, autorisation a été donnée à l’équipe d’abattage de renouveler l’opération", a-t-il indiqué en sa séance du 14 juillet 2010.
La grande majorité des Ouagalais ne tarit pas d’éloges envers le bourgmestre et ses collaborateurs pour l’initiative. Néanmoins, ils sont légion à penser qu’il faudrait plus qu’une simple opération pour venir à bout des chiens errants et de l’incrédulité de leurs maîtres. « La campagne doit être permanente, sinon il n’y aura aucun résultat », préviennent-ils. Tous les animaux à sang chaud peuvent transmettre la rage ; cependant, le principal vecteur, et réservoir dans le monde est le chien, suivi du chat, du singe…
La transmission de la maladie se fait par introduction du virus contenu dans la salive ou le sang d’un animal atteint de la rage : morsure, contact direct avec la peau lésée d’un animal, griffures et léchages, blessure par un objet souillé. Ainsi, manipuler des animaux morts peut être contagieux, le virus conservant sa virulence dans le cadavre pendant quelque temps.
Chez l’humain, le temps d’incubation varie de cinq jours à plusieurs années. Les symptômes apparaissent 20 à 60 jours après l’exposition : fièvre, fatigue, céphalées, irritation de la plaie. Survient ensuite la phase aiguë : le patient devient anxieux, confus, angoissé, sensible à la lumière et au bruit, souffre d’insomnie, d’agitation, d’hallucination et d’hyperactivité (rage furieuse) ou de paralysie (rage muette). Lors de l’ingestion d’un liquide ou à sa simple vue, la salivation et des spasmes musculaires se déclenchent, pouvant causer une véritable hydrophobie.
Deux à dix jours plus tard, totalement paralysé, le malade sombre dans le coma ; sans soins intensifs, il meurt quelques jours plus tard par paralysie des muscles respiratoires. Une fois déclarée, il n’existe pas de traitement de la rage ; dès que les symptômes sont apparus, la maladie est toujours mortelle, pour l’homme comme pour l’animal. La seule protection reste donc la vaccination pré ou post exposition.
Le sérum antirabique a été découvert par Louis Pasteur depuis 1885. Dans le monde, de nombreux pays sont touchés par la rage, cause de nombreux cas de mortalité humaine et animale... En Afrique, la rage est une cause importante de décès tant chez le chien que chez l’homme.
Abdoulaye GANDEMA
Sidwaya