Un rien cabot, le labrit reste cependant très professionnel dans son rôle de chien de berger.
© Marc Zirnheld
Supplanté par d'autres chiens, plus doux et plus faciles à dresser, le labrit risque de disparaître des estives. Jean-Louis Laborde-Boy refuse une telle éventualité.
J'aime mon métier et mon pays. On a des choses formidables, c'est notre patrimoine et l'on n'a pas le droit de les laisser perdre ». Passionné à 44 ans comme il l'était il y a vingt ans, Jean-Louis Laborde-Boy est berger comme le furent ses père, grand-père et arrière-grand-père. Installé pour l'été au cuyala de Sesques, en Ossau, avec près de 400 brebis, il a pour auxiliaires les mêmes chiens que ses aïeux, des labrits.
Considéré comme le plus ancien chien de berger de France, le labrit est multiple. On connaît bien le blanc, dit à tort «berger des Pyrénées», mais il existe de multiples rameaux de ce chien de taille moyenne, rustique et aussi « capbourrut » que son maître béarnais. On trouve un petit labrit tout blanc au Pays Basque, un autre gris en Barétous, et ceux qui commandent les brebis de Sesques sont des labrits à face rase ou museau ras. « Ces chiens ont fait le travail de nos ancêtres, ils appartiennent au patrimoine » poursuit Jean-Louis Laborde-Boy.
«Je veux pouvoir garder le chien de mes anciens»
« Il y a vingt ans, le border colley est arrivé. C'est un chien extraordinaire et très efficace » poursuit le berger. « On a pris ces borders, ils se sont croisés avec les labrits, on n'a pas fait attention aux races et maintenant le labrit risque de disparaître. Et même si les colleys ou les beaucerons sont des chiens exceptionnels, je veux pouvoir garder le chien de mes anciens pour mes enfants ».
Gaspard, 8 ans, et son fils, Soumis, 1 an, sont à ses côtés. À croire qu'ils devinent qu'on parle d'eux. « Ce sont des chiens très méfiants. Il faut d'abord s'en faire un ami. Mais après c'est un formidable compagnon » témoigne Jean-Louis Laborde-Boy. « Il est rustique, dur, têtu, long à dresser. Il lui faut un vrai maître sinon il ne travaille pas bien. Il est robuste, résistant, capable de rentrer dans le troupeau, adapté aux grands troupeaux et polyvalent. Il peut mordre le sabot d'une vache comme lécher une brebis faible », poursuit-il, intarissable.
« C'est également un chien qui n'est pas téléguidé et peut prendre seul l'initiative du travail. Quand tu l'as bien à toi, c'est un ami formidable. Si je suis seul à la cabane, il reste près de moi, joue avec moi. On dirait qu'il ressent les choses », dit-il encore en évoquant les noms de chiens passés, Pétite, Fine, Farou, Soumise, Bergère... Mais l'heure est à la conduite des troupeaux. Petite démonstration de savoir-faire. « Passe haüt, passe bach ! Daban ! » Gaspard répond à la seconde puis revient à son maître dont il apprécie les encouragements et les mots de réconfort.
Un comité de défense du labrit ?
« Mon objectif est de recenser tous les rameaux de la race et voir comment les protéger avec l'association des éleveurs transhumants. Peut-être en créant un comité de défense du labrit au sein de l'association », prévoit Jean-Louis. Pierre-Jean, 8 ans, et Lucie, 14 ans, sont avec leur père au cuyala. Si l'idée leur vient de devenir bergers, ils peuvent compter sur lui pour travailler avec le plus ancien compagnon des montagnards béarnais.
>> Le salut passe par Ordiarp ?
Victime de son côté têtu et de sa trop grande facilité à aboyer, le labrit n'est pas facile à dresser et demande un maître qui a de la poigne. Pour autant, il est remarquable dans son travail. Pour sauver la race, Laure Gros, animatrice pastorale au centre départemental de l'élevage ovin à Ordiarp, évoque une piste.
« Nous avons dans nos missions de sauvegarder et travailler sur les races locales comme nous l'avons fait sur le mouton manech à tête noire. On peut travailler les souches locales pour les conserver. L'association des éleveurs transhumants a sollicité Ordiarp pour le patou. L'idée serait de faire la même chose pour le labrit » explique-t-elle. À suivre.