Photo : © LAURENT GUIRAUD Un chien mal sevré risque de devenir agressif ou faire preuve de troubles comportementaux parfois dangereux. Un phénomène méconnu.
L’achat de chiens sur Internet inquiète le vétérinaire cantonal. Et la Confédération semble incapable de réguler ce type de vente malgré les problèmes de sécurité que cela pose.
«L’interdiction de certaines races de chiens dans le canton a fait baisser en partie le nombre de morsures, grâce à une meilleure prise de conscience des détenteurs à l’égard des dispositions canines. Aujourd’hui, la vente sur Internet est un défi important, explique Grégoire Seitert, vétérinaire cantonal genevois. Nous ne savons pas comment ces chiens ont été élevés et sevrés. Il peut y avoir des problèmes d’agressivité et de troubles comportementaux par la suite, si le chiot est par exemple séparé trop tôt de sa mère.»
Trafics incontrôlables
Selon le vétérinaire cantonal, il est impossible d’avoir une idée de la qualité d’un élevage sans avoir vu la portée dans son environnement. Les lois sur les chiens et les épizooties (rage par exemple) varient, de plus, selon les pays. Le droit fédéral prescrit, lui, au minimum 56 jours de présence des chiots auprès de leur mère.
Concrètement, un chien non sociabilisé ou maltraité peut être vendu en Suisse sans que la Confédération n’ait son mot à dire. «Nous savons qu’il y a régulièrement des abus, explique Cathy Maret, porte-parole de l’Office vétérinaire fédéral. Nous avons affaire à des trafics de chiens. Certains animaux meurent quelques jours après leur arrivée, en raison de maladies ou de mauvaises conditions de transport. Le problème c’est qu’il nous est impossible de réguler Internet.»
L’office ne dispose d’ailleurs d’aucun chiffre concernant le nombre de ventes effectuées par ce biais en Suisse. Un chien acheté à l’étranger doit être vu dans les dix jours par un vétérinaire suisse. Les papiers et les vaccins sont vérifiés au même titre que les puces. La provenance du chien est ainsi connue, mais pas le moyen par lequel ce dernier a été acheté.
Un chihuahua livré en deux jours
La banque de données pour les animaux de compagnie ANIS (Animal Identity Service) ne dispose pas de statistiques. «Sur 44 789 nouveaux chiens enregistrés en 2009 en Suisse, 14 789 venaient de l’étranger (majoritairement d’Europe) dont 2475 de France», précise Denise Delley, directrice d’ANIS.
Vanessa H... a commandé son chihuahua sur le site
http://chi......com: «Deux jours après, j’allais le chercher à l’aéroport de Genève. Le livreur venait de Hongrie avec plusieurs sacs. Nous étions quatre à attendre un chien. Tous les papiers étaient en ordre.» Le fait de payer à la livraison et de pouvoir voir le chien avant a rassuré la jeune femme. Autres avantages, le prix et la rapidité de livraison: «Il coûtait 1000 euros. En Suisse les prix variaient entre 1800 et 1900 francs.»
Selon Zein Bassem, collaborateur scientifique à l’Office fédéral de la justice, «il n’existe effectivement aucune législation spéciale pour la vente de chiens sur Internet». Il serait théoriquement possible de légiférer, mais l’interdiction stricte de la vente sur Internet pourrait être trop restrictive par rapport à la Loi sur la liberté du commerce et de l’industrie.
Lors de l’élaboration de la nouvelle loi sur les chiens, actuellement en discussion au niveau du parlement, la sous-commission du Conseil national en charge de cette question avait déjà soulevé le problème de la vente de canidés par Internet. «Nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvions rien faire, avoue Oskar Freysinger, président de la sous-commission. Nous avons préféré être stricts avec les propriétaires pour les responsabiliser. La seule solution serait que l’Union européenne réglemente.»
Au niveau de l’Union européenne, il n’existe pas de dispositions générales spécifiques concernant les conditions d’élevage des chiens. «Cela relève de chaque Etat membre», précise Frédéric Vincent, porte-parole de la Commission européenne pour la Santé et la Politique des consommateurs. «Toutefois, la Commission a lancé un processus d’évaluation sur la politique européenne relative au bien-être animal. Les animaux de compagnie y sont inclus. Le Parlement européen a également demandé récemment à la Commission de préparer une loi générale sur le bien-être animal», ajoute le haut fonctionnaire. La solution pourrait donc venir de l’étranger.